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Extermination : Vichy savait... ou ne voulait pas savoir
L'intérieur du Vel d'Hiv. Photo d'illustration. DR
La une de Paris-Soir du 26 février 1942 reproduit les paroles d'Hitler : « Cette guerre n’anéantira pas l’humanité aryenne mais l’élément juif. Des préparatifs sont en cours en vue du règlement de compte définitif. » Difficile de passer à côté de cette annonce générale de l'extermination juive. A-t-elle échappé à Vichy ? « Les travaux sur le sujet font état de rapports diplomatiques relativement précis, dès l’été 1941, sur les politiques d’extermination des Juifs en Pologne, en Russie ou en Bessarabie : en haut lieu, on ne pouvait pas ne pas savoir que la mort était, à plus ou moins brève échéance, au bout du voyage, mais on pouvait délibérément l’ignorer ou mettre les faits rapportés sur le compte de la propagande alliée, » écrit la revue XXè Siècle.. qui attire également l'attention sur le rapport Sadosky du nom d'un inspecteur des Renseignements généraux français (aujourd'hui célèbre du fait d'une excellente et dérangeante série de romans qui lui est consacrée). Ce responsable du « Rayon juif » décrit en juillet 1942 son séjour à Berlin : « - Mais où les conduit-on ?, demandais-je. - Dans le Gouvernement général, me répondit-on. [NDR : en Pologne occupée] - Alors, dis-je, le gouvernement allemand n’aurait-il pas l’intention de créer dans le gouvernement général un ghetto universel ? - Oh, non, me répondit-on, ce n’est pas l’intention du chancelier Hitler, mais au contraire celle de la destruction complète et à jamais de la race. Dans le Gouvernement général, les Juifs ne vivent pas longtemps. » Qu'advint-il de ce rapport destiné à ses supérieurs dans lequel Sadosky était informé de la Solution finale ? Le 1er juillet 1942, la BBC annonce que 700.000 Juifs polonais ont été massacrés. Au même moment (été 1942), écrit le Site NonFiction, « le Consistoire central alertait Laval dans les termes les plus clairs sur l’extermination « impitoyable et méthodique » des Juifs par les Nazis. On peut donc en conclure, même si les auteurs le formulent plus prudemment, que les autorités de Vichy ont surtout préféré ne pas savoir, » Article sur Vichy et les Juifs, de Marrus et Paxton.
Une épreuve impitoyable
Jamais les responsables politiques français « n'ont pu avoir le moindre doute que les convois en eux-mêmes constituaient déjà une épreuve impitoyable : des dizaines et des dizaines de personnes entassées dans des wagons de marchandises plombés, sans le moindre souci pour la vie humaine. Ni que pour beaucoup d'entre elles au moins, la déportation équivalait à un arrêt de mort. Et cela restait vrai, il faut le souligner, même si on croyait à l'invraisemblable fiction allemande des « colonies de travail » à l'Est. » L'Histoire, Vichy et les enfants juifs Si la mise à mort industrielle d'un peuple (sélection, chambre à gaz, crémation) était sans doute ignorée de Vichy, le moins que l'on puisse dire est que le régime se désintéressait totalement du devenir des femmes, enfants et hommes juifs raflés... Sinon pire : « Ils seront envoyés en Pologne, avec des vivres pour 17 jours, cinquante par wagon plombé, sans eau. Les Allemands verront, à l'arrivée, ce qui reste de vivant. » Note du chef du cabinet civil de Philippe Pétain, dans son journal, le 23 juillet 1942. Cité par Le Monde, à 6'30, ici , Jamais Vichy ne réclamera de preuve de vie, suite aux déportations.
Paul R.
Le film "la rafle", fausse histoire, fausse mémoire
« Tous les événements, même les plus extrêmes, ont bien eu lieu cet été 1942 » C'est la promesse du film "La Rafle" qui a été vu par dix millions de Français et plus grâce à la télévision, encensé dans les médias, diffusé à 10.000 exemplaires dans les écoles avec fiche pédagogique... Ce film est tellement faux qu'il permet de décrire par contraste la vraie rafle. Il est pourtant passé comme une lettre à la poste, effet d'une intense promotion, d'un casting "béton", d'un financement et parrainage imposants (TF1, France Télévision, France 3, Canal+, Fondation pour la mémoire de la Shoah et ministère de la Culture).
Dès l'affiche, il y a à redire : il n'y a pas eu de bagages abandonnés (encore moins pillés comme dans le film) ; on ne rafle pas non plus de force, c'est une opération rondement menée. D'autre part, le 18è (Sacré Coeur) est très peu représentatif de l'implantation des Juifs dans la capitale, même si le héros, le petit Jo, y résidait.
Dans le film, la rafle proprement dite est signifiée par une compilation choisie de tous les événements brutaux et bruyants possibles, à commencer par l'assaut généralisé des immeubles: chiens, portes forcées, coup de pied au ventre, giffle, personnes emmenées de force, défenestration. En réalité, sauf les cas isolés qui ont été retenus et grossis, c'était le contraire: une opération rondement menée. L'heure d'intervention (et la force déployée) y concourait : à partir de 4h du matin. Dès l 'affiche, c'est faux: il n'y a jamais eu d'affaires abandonnées dans les rues, encore moins de pillage de celles-ci (41'05''), tout a justement été fait dans l'ordre et le calme par la police pour éviter les esclandres, la panique, les prises de retard, et bien sûr les risques d'évasion... « La chose la plus importante est qu'on était embarqué sans résistance, car il n'y avait pas de résistance possible, » explique Maurice Rajsfus.(Bien évidemment, il y a eu des exceptions, comme la mère d' Arlette Reinam ) qui jette sur les policiers tout ce qui lui passe par la main. Il n'y a pas eu non plus de polémiques ou de scènes d'indignations, en règle générale, c'est le silence des très rares passants (petit matin) et l'indifférence. « Ce dont je me souviens particulièrement, c'est le grand silence, le grand silence qui s'est abattu sur Belleville (…/...) C'était à la fois silencieux et à la fois comme une fourmillière. (…/...) Et toujours la main de maman devant ma bouche pour m'empêcher de faire du bruit. » Témoignage de Raymonde, dans "Paroles d'Etoiles".
Les personnages? Mélangés et re-scénarisés
La présentation d'Annette Monod (Mélanie Laurent) est fausse: elle est assistante sociale et non infirmière fraîchement diplômée; elle ne reste que deux jours au Vel d'hiv et n'y a "aucune possibilité d'organiser quoi que ce soit"; elle n'accompagne pas Anna Traube pour son évasion du Vel d'hiv mais part rapidement dans les camps du Loiret (où "rien n'était prévu"; non plus). Elle n'est donc pas sur le quai d'Austerlitz pour les transferts vers les camps du Loiret. Elle ne prend pas non plus à partie un garde : « il y a une épicerie là, juste en face. Pourquoi vous ne laissez pas les mères s'approvisionner ? » Intéressant, car une centaine de mères justement forcèrent le barrage de gendarmes pour s'approvisionner dans cette épicerie... mais elles revinrent pour leurs enfants - cela permit néanmoins une évasion, celle de Lazare Pytkowicz : « Il se passe alors quelque chose d'incroyable. Des dizaines de mamans se moquant des fusils qui les menacent, brisent le cordon de sécurité et se ruent dans l'épicerie sur le trottoir d'en face. Une cohue indescriptible s'ensuit. Les gendarmes essaient de les retenir, mais n'osent pas tirer. C'est le moment ou jamais pour moi. » De toute l'histoire de cette famille Traube, il ne reste que le nom: la vraie Anna Traube est plus âgée (20 ans), son père est en zone Sud (et ne donne pas de cours d'allemand à Paris, il est dentiste), sa mère a évité la rafle (et n'est donc pas internée au Vel d'hiv, encore moins dans le Loiret – personnage de Anne Brochet ); Anna a un frère (et non une sœur), elle n'est pas assommée dans la rue par des policiers brutaux mais arrêtée chez elle ; seule de sa famille, elle est internée au Vel d'Hiv et s'en échappe sous le nom d' « Yvette Baudoin » et non en tant que femme du chef plombier Gaston Roques. Anna Traube le dit: "mon personnage vit des événements mêlant des choses qui me sont arrivées avec ce qui a été vécu par d'autres." Toute l'histoire de Noé Ziegler, "Nono" sauvé de la déportation en passant à travers d'une fenêtre du train n'est bien sûr qu'une fabulation mélodramatique. De même, celle de l'ami de Jo, Simon Ziegler, est une création scénaristique. C'est un autre enfant qui souffre de hernie au moment de l'évasion (d'ailleurs celle-ci est de la seule initiative de Jo et en aucune manière, l'ultime prière de sa mère). Au final, ce film compile, mélange et re-scénarise (ou invente) des faits, des souvenirs-choc et des témoignages en les réattribuant au mieux (en inventant au pire) jusqu'à devenir une pure fiction, formatée et commerciale, créée de toutes pièces. Au point que le vrai Joseph Weismann, le petit "Jo", pourtant crédité au scénario, a déclaré « ce n'est pas ma biographie » (Le Monde du 8 mars 2010)... puis il a décidé de ne plus répondre à aucune interview et d'écrire un livre.
Légende : Les Allemands au Vel d'hiv : aucun témoignage n'y fait référence... bien au contraire ! « On n'a jamais vu un Allemand, lors de la rafle ou au Vel d'hiv, » est l'affirmation générale. Pas plus d'Allemands venus en force (avec un side-car, une auto-mitrailleuse et deux camions de soldats !) pour séparer avec violence les femmes et les enfants, à Beaune-la-Rolande...Ce sont des gendarmes français qui se sont chargés de la besogne, avec brutalité. D.R.
Les lieux? Réinventés
Là aussi c'est une anthologie! Au Vel d'hiv, la lumière n'est pas celle d'un après-midi perpétuel, mais absolument glauque (dans la journée) du fait de la verrière repeinte en bleu pour éviter les bombardements, les gens sont des « fantômes verts » selon Sarah Lichtsztejn-Montard ; on parle fréquemment yiddish et non un français impeccable (le français est totalement ignoré dans le cas des parents de Hansel Szpilvogiel – voir vidéo en p.4) ; le bruit est omniprésent et tonitruant (cris des enfants, appels des mères, pleurs, vacarme des hauts parleurs...); l'évacuation ne s'est pas faite en une seule fois mais progressivement. (A noter: la scène des pompiers faisant distribuer de l'eau à tout un Vel d'hiv assoiffé dure quatre minutes, justifiait-elle d'une telle emphase ou est-elle un brin exagérée ?) Les "erreurs" se poursuivent dans les camps du Loiret. Les internés ne traversent pas une forêt... et encore moins en chantant (!!! - à 1h26'20) mais tout le village de Beaune-la-Rolande, dans une atmosphère sinistre et silencieuse que décrit ainsi Joseph Weismann (toujours le petit "Jo", inspirateur du film): « il me semblait que tout était hostile, [qu'] il n'y avait que des ennemis, tout était sinistre (…/...) [nous étions] des gens fatigués qui avaient hâte de pouvoir s'asseoir (…/...) il y avait une grande lassitude ». Le camp est dans le village et non au milieu des champs. Les barraquements (issus d'un décor tout prêt en Hongrie) n'ont rien à voir avec la réalité de Beaune-la-Rolande.
Pas de milice
Dans les camps, les enfants sont dévorés d'impétigo et de vermine, de gale et de poux, et couverts de bleus, avec des plaies suppurantes: pas du tout « photogéniques ». Beaucoup ont le crâne rasé, dont le petit Jo. Odette les décrit ainsi, plus tard, à leur arrivée à Drancy dans le Mémorial de la déportation des enfants juifs en France : « Des autobus arrivent. Nous en sortons des petits êtres dans un état inimaginable. Une nuée d'insectes les environne ainsi qu'une odeur terrible. » En fait, les enfants ne se lavaient plus du tout (contrairement au film, à 1h39). Joseph Weismann confirme : « quand on est enfant, l'hygiène, il nous en faut pas beaucoup. » Et la liste peut s'allonger. Il n'y a pas de milice en juillet 42 pour effectuer la rafle ou faire des fouilles dans le camp (la milice à laquelle il est fait référence plusieurs fois n'est de toutes façons créée qu'en janvier 1943) ; il n'y a pas quatre Juifs dans la classe de Jo, il est le seul ; Montmartre n'est pas un quartier juif, on ne peut y rafler une cinquantaine de personnes dans un immeuble ; au Vel d'hiv; les malades sont dans les baignoires (loges en bas des gradins) et non sur le terre-plain central; les forces de l'ordre ne sont pas au garde-à-vous au bord des pistes (à 50'05'') mais circulent dans les gradins... Contrairement à ce que laisse entendre le film ("Il ne l'a même pas rendue publique", à 1h1'30"), la lettre de protestation du cardinal Suhard auprès du maréchal Pétain  le 25 juillet a bien eu une diffusion: chaque évêque était chargé de faire connaître à son clergé cette déclaration: « profondément émus par ce qu'on nous rapporte des arrestations massives d'Israëlites opérées la semaine dernière, et les durs traitements qui leur ont été infligés, notamment au Vélodrome d'Hiver, nous ne pouvons pas étouffer le cri de nos consciences ». Que coûtait-il de le préciser? D'être moins schématique?
Invraisemblances et économies de bout de chandelle
Les départs des enfants en déportation se font en plusieurs fois, Berlin les refuse tout d'abord (ce qui sauve justement la vie du petit "Jo" avant qu'il ne s'échappe). Les fouilles féminines à Beaune-la-Rolande ne sont pas réalisées par des miliciens violents (encore!) mais par les femmes du village (voir témoignage d'Annette Monod). L'intervention à la radio « les camps du Loiret abritent désormais la quasi totalité des indésirables » à 1h10'30 est bien sûr impossible, car contraire au black out total sur la rafle et sa suite (suivi unanimement par les médias officiels – voir p.4). On s'étonne aussi que dans les camps surchargés du Loiret, l'immense foule du Vel d'hiv (bien rendue) semble se réduire soudain à un petit groupe de peut-être deux cents personnes, enfants compris, oubliant que Beaune-la-Rolande et Pithiviers étaient pleins à craquer (les camps prévus pour 1.500 internés en accueillent 4.700 à Pithiviers et 3.100 à Beaune). De même, les gardiens ne semblent qu'une poignée quand ils étaient bien plus d'une centaine. Economies de bouts de chandelle... (de figurants sans doute). Et... question : où sont passés les adolescents ? Il n'y en a pas un seul. Les invraisemblances sont également légion: cela commence par un Montmartre idyllique et des Juifs y filant un parfait bonheur, qui rappellent plus Amélie Poulain que les discriminations, pesanteurs et humiliations et la pauvreté de 1942. Et cela va jusqu'à une annonce inattendue et très précoce de l'existence des camps d'extermination (à 1h48'), à peine plausible durant l'été 42 :"Ils seront gazés dès leur arrivée." S'y ajoutent un tricotage public bien improbable avec les restrictions... un père surchargé de travail malgré les interdictions faites aux juifs... les bougies pour la prière au Vel d'hiv (première chose emportée dans l'urgence?)... les prophéties sur Israël, "une terre, un pays où l'on ne sera plus jamais apatride"... et la scène de danse au camp, avec un poste de radio incongru et son ambiance de colonie de vacances; le tout à Beaune-la-Rolande où l'on est pourtant épuisé par les privations! (peu avant, Annette Monod s'est évanouie d'épuisement (1h14), et a déclaré que tous les enfants sont malades). Ah oui, la musique elle-même est souvent postérieure à la Libération (« insensiblement » de Ray Ventura; « tombé du ciel » de Charles Trénet; "Paris" d'Edith Piaf). Que dire enfin des barbelés indigents du camp traversés en 30 secondes: « Ce que nous avons franchi, Jo Kogan et moi, ce ne sont pas trois fils emmêlés mais un tissu de fer. Il nous a fallu six heures pour traverser ce terrible enchevêtrement. Nous étions écorchés de partout,,.," rappelle le vrai Joseph Weisman. C'est bien différent du rendu du film qui fait s'interroger: si c'était si facile, pourquoi d'autres internés ne se sont-ils pas évadés? Anna Traube arrive même à faire parvenir aux siens des victuailles par dessus ces barbelés... avec une simple canne à pêche ! Mais il y a plus grave... Beaucoup plus grave.
Bande annonce du film
Des perspectives falsifiées
Le film laisse entendre que tous les Juifs de France, étrangers comme nationaux, ont été raflés. "L'ennui, c'est qu'à Paris, la moitié des Israëlites sont français", dit Pétain à 6'30. Sans que sa nationalité soit jamais établie (ni celle d'aucun autre personnage), le personnage central du père de Joseph (joué par Gad Elmaleh) asseoit une manipulation du film : faire croire que la Grande Rafle a concerné des Juifs « nationaux ». Schmuel (en lieu de Schmoul) est le père de "Jo". Ce "peintre modéliste" (en lieu de tailleur) parle dans le film un français parfait, sans aucun accent, et se présente comme un "ancien combattant" (de quel conflit ? Il est né le 24/01/1900 à Lublin, en Pologne... En fait, il s'est engagé en 1939, à 39 ans, dans le 3è régiment étranger.) L'ambiguité est maintenue tout au long du film (et vaut aussi pour les Traube, "Juifs intégrés" jouissant d'un bon niveau de vie)... Mais l'on va aussi au-delà, franchissant le bord de l'affirmation... Bousquet, chef de toutes les polices, dit à 23'20 ; « pour vous fournir le quota que vous demandez, il va falloir déchoir quelques milliers de Juifs de la nationalité française. N'est-ce pas, Leguay ? [NDR : son adjoint en zone occupée] Que tout soit bien légal : on n'arrête que des étrangers et des apatrides !» Aucune correction n'est apportée à ces propos signifiant qu'on va dénaturaliser des Juifs français et les rafler (ces propos sont aussi mis en avant dans la bande-annonce ). Donc ces Juifs "français" déchu de leur nationalité seront là au Vel d'hiv, dans le Loiret, dans les trains, à Auschwitz... L'ennui c'est qu'il n'y a eu aucune déchéance de nationalité spécifique pour la rafle du Vel d'hiv ( zéro entre le 28 mars et le 8 août 1942). La rafle n'a bien concerné que des Juifs "étrangers et apatrides". Chacun peut néanmoins le vérifier : le film « La Rafle » joue de l'ambivalence tout du long avec des formules comme « les Juifs français » ou « les Juifs », les « indésirables »... Partant de là, « La Rafle » oublie vite que tous les enfants nés en France sont bien, eux, des Français de nationalité par droit du sol, un point fondamental pourtant.
L' « Affiche Rouge », sommet de la propagande de la Collaboration (1944), insiste sur les origines juives étrangères (« Juifs polonais » et « Juifs hongrois ») de la majorité du groupe Manouchian, des résistants de la section Main d'oeuvre immigrée des Francs Tireurs Partisans.
Antisémitisme minoré
Deuxième manipulation: l'image positive globale du peuple Français, alors qu'il était majoritairement indifférent et pour une large part antisémite. Une seule boulangère antisémite (en paroles seulement) contre une foule de braves gens (qui sont le plus souvent dans l'action) : concierge, voisins, prostituées, plombier, pompiers, abbé, directrice d'école d'infirmières, policier.. L'exception passe pour la règle (1). Le professeur d'école du film dit : « le premier qui mentionne cette foutue étoile, je lui mets mon pied au cul ! »... celui de la réalité emmenait sa classe en 1941 à l'exposition idéologique antisémite Le Juif et la France. Ce 16 juillet 1942, le film n'en parle absolument pas, il y a eu pourtant, surtout, beaucoup de portes fermées devant les Juifs désespérés ainsi que le rappelle Elie Dalwang , huit ans à l'époque de la rafle... Et ce même entre Juifs: "Il n'y avait plus d'amis. Ce n'était pas la solidarité, c'était la lutte pour la vie, chacun pour soi", résume Liliane dans « Paroles d'Etoiles ». Non décidément la France n'était pas massivement en faveur des Juifs étrangers... et les 10.000 Juifs fichés qui ont échappé à la Rafle n'ont pas été cachés par des « Parisiens courageux » comme le l'écrit la fin du film (même si certains l'ont été). Il n'y a pas eu 10.000 Justes à Paris... (Voir également en p3, la rafle vue par le prisme des Justes ; une centaine de Parisiens seulement ont été reconnus officiellement comme ayant sauvé des Juifs, en rapport avec la rafle. Soit 100 fois moins.) En 1942, de nombreux Juifs avaient déjà fui en zone libre, et beaucoup se sont effectivement cachés... mais à la campagne. Autour du 10 juillet, la rumeur d'une grande rafle prochaine enflant, « celles et ceux qui le peuvent, Juifs français comme étrangers (…/...) tentent de quitter Paris, » écrit Laurent Joly, dans La rafle du Vel d'hiv. Surtout, ayant eu vent de la rafle et croyant que comme à l'habitude elle ne concernerait que les hommes, ceux-ci se sont cachés ponctuellement, d'où leur moindre proportion – voir témoignages de la famille Muller (p.1).
Les enfants ? La faute à Hitler
Hitler aurait donc été sollicité directement sur le sort des enfants du Vel d'hiv ; il aurait répondu « quel est le problème ? » et, au sujet d'une mauvaise image pour Vichy, il aurait ajouté : « trouvez une excuse pour les Français » (à 1h17'05) ? Cette excuse (« entschuldigung ») n'est d'ailleurs pas présentée, alors que toute la scène laisse à penser que la déportation des enfants pose un souci à Vichy, ce qui est faux: Vichy veut déporter les enfants (c'est un point essentiel) et se lave les mains de leur avenir. Hitler serait aussi, personnellement, l'inventeur des fours crématoires (1h02'50'') : « des cendres, nous avons besoin de cendres (…/...) Les cendres ne disent pas combien ; elles ne disent pas si c'étaient des hommes, des femmes ou des enfants » !!! Du même tonneau, l'intervention des Allemands au Vel d'hiv... Depuis la rafle du 16 juillet au matin jusqu'aux conduites aux gares de Pithiviers et Beaune-la-Rolande, toute l'opération est délibérément 100% française. Dans les faits, les Allemands n'apparaissent, que par exception dans les camps du Loiret (sans violence). La scène de la séparation violente des enfants et des mères à Beaune-la-Rolande est d'ailleurs doublement erronée: d'abord, les pères sont partis en premier, et ne sont donc plus là pour y assister bouleversés et impuissants. Ensuite, ce ne sont pas des soldats allemands qui brutalisent les femmes à coups de crosse... mais des gendarmes (et sans doute des douaniers) bien français. Dans le "making of" du film, Roselyne ou Rose Bosch indique que des Allemands étaient bien là, dans le cas de Joseph Weisman... moyennant effet grossissant (plus de 70 plans!), l'exception, passe à nouveau implicitement pour la règle: les Allemands étaient donc là à chaque fois et brutalisaient violemment les femmes. Une scène de 7 minutes...
Un glissement complet
Regardons-y de plus près... « Sont arrivés les Allemands, raconte Joseph Weismann, je revois très bien : un officier, et plusieurs soldats, peut-être sept ou huit, mais pas dangereux, pas avec des mitrailleuses, des trucs comme ça. » Dans le film, ils sont une quinzaine, avec une mitrailleuse, il y a des coups de feu, puis ils mettent les civils en joue et ce sont eux qui séparent les enfants et brutalisent les femmes, à coups de pied et de crosse, devant les hommes. La scène avec les Allemands que décrit Joseph Weismann n'a pas lieu dans le camp mais devant le train, elle concerne la déportation des enfants , (trop nombreux pour la contenance des wagons ce qui sauve la vie de Joseph Weismann)... Il y a bien eu, en revanche, une visite des Allemands au camp pour ramener le calme après une panique et une émeute quand a été annoncée la séparation des femmes et des enfants. Mais en aucune manière, les Allemands n'ont séparé les femmes des enfants, ce sont les gendarmes qui s'en sont chargé, « avec brutalité » (Sans oublier les enfants, Eric Conan). Et les Allemands se sont arrêtés au portail.
Les garde-fous sautent
Il est difficile de croire que la réalisatrice et scénariste Roselyne Bosch, se présentant également comme « journaliste d'investigation », ait vraiment passé des années à se documenter sur la Grande Rafle et à porter ce film. La falsification est tellement systématique: des petits bouts pris ci et là dans les témoignages, re-scénarisés, ré-attribués et une tambouille plus fausse qu'une fiction pure. « Un film pour l'histoire », dira néanmoins la presse - en l'occurrence Paris-Match. En fait, il faudrait reprendre le film minute par minute pour éveiller l'esprit critique des collégiens et lycéens à qui il a été imposé comme un sacro-saint « devoir » de mémoire, alors qu'il n'est qu'une fabrique à fausse histoire et fausse mémoire: les personnages sont faussés; les faits sont faussés; les perspectives sont faussées. Bien sûr, des arrangements dramatiques sont nécessaires pour un scénario efficace... mais à ce point ? Sur presque tout ? Qu'allait donc faire Serge Klarsfeld, "conseiller historique" du film, dans cette galère, apportant sa caution morale ? Il a fourni les documents et les témoignages, sans doute n'est-il pas intervenu au-delà. Sur les qualités du film lui-même, on rappellera que nombre de voix ont su malgré tout dire la médiocrité de « La rafle » (multi-primé aux Gérard et aux Brutus), et ce malgré les "procès en nazisme" de la réalisatrice: qui n'apprécie pas « La Rafle » et, en particulier, ne pleure pas, «  rejoint Hitler en esprit  », affirmait Roselyne Bosch... Mais comment attaquer un tel "monument" plein d'intentions et dénonçant le mal pur, qui a la caution des plus grands acteurs français, de toutes les chaînes TV, des ministères de la Culture et de l'Education... de l'auteur du "Mémorial de la déportation des Juifs de France"? Reste un sombre mélo mal fagotté tenant uniquement par la qualité de l'interprétation (Denis Menochet, déjà excellent).
Trois critiques tempérées
« Roselyne Bosch est donc aussi maladroite que « sincère », par exemple lorsqu’elle use d’images bien trop propres et léchées pour montrer l’horreur des camps. Difficile en effet d’évoquer la promiscuité, le manque d’hygiène, la faim et le désespoir absolu à l’aide d’une esthétique amélipoulinesque. » Note en bas de page :"La référence est d’ailleurs assumée : Roselyne Bosch a déclaré sur France Inter qu’elle voyait son film comme « l’Amélie Poulain de la déportation »". Critkat « …/... ce film est médiocre sur le plan esthétique. La principale raison tient à son ambition spectaculaire, à l'impression qu'il veut donner "d'y être". Le pathos et le manque de recul ne sont pas seuls en cause. Beaucoup de choses y sonnent aussi désespérément faux. Tel accent yiddish est sans conteste un accent, mais pas yiddish. Hitler est certes reconnaissable, mais l'acteur grimé qui l'interprète est peu crédible. Tout le monde reconnaît l'humoriste Gad Elmaleh sous sa défroque de petit artisan juif trotskyste, et s'intéresse malheureusement davantage à sa composition qu'au personnage qu'il incarne. » Le Monde « Le seul intérêt de La rafle, mais il est majeur, est son côté pédagogique. Et en cela il remplit admirablement son rôle. Pour le reste il sera difficile de le défendre tant il est vrai que le second long [métrage] de Rose Bosch réalisatrice a tout du produit calibré pour passer en prime time sur une chaîne du service public. » Ecran large « Mais tu nous racontes quelque chose à l'eau de rose, » s'est récrié Joseph Weismann [à propos de la séparation des femmes et des enfants.] A quoi la réalisatrice a répondu : « Tu m'as très bien expliqué, j'ai bien compris. Mais si j'avais fait la scène telle que tu me l'as décrite, je perdais 50% de spectateurs. »
Très bien rendue, l'immensité du Vel d'hiv qui pouvait accueillir plus de 15.000 personnes pour des spectacles ou des manifestations sportives. Petit hic, selon tous les témoignages le lieu était en perpétuel brouhaha du fait des cris d'enfants et des annonces au haut parleur. Et en raison de la peinture bleue de défense anti-aérienne, la lumière y était glauque et non jaune. Un décor suffocant, à s'y méprendre pour Joseph Weismann qui y sera victime d'une hallucination olfactive, retrouvant la puanteur d'urine et de fécès qui saturait le lieu.
Et deux derniers mensonges
Restent deux mensonges. D'abord, un propos "prophétique" du personnage de Jean Réno (à 56'40) : « les responsables de cette rafle, ils devront payer ». Problème : rien ne vient le démentir l'affirmation. Pourtant, il n'y a eu aucune vraie répression à cause de la rafle, ni dans la police (décorée au contraire à la Libération! - voir p.2), ni dans la gendarmerie... et si Laval est jugé comme victime expiatoire de tout Vichy, le Maréchal; condamné à mort, est grâcié et Bousquet, parmi tant d'autres, s'en sort (presque) comme une fleur! Deuxième mensonge, explicite celui-ci,: « Sur les 13.000 raflés du Vel d'hiv, seuls 25 adultes survécurent. Aucun des 4051 enfants déportés n'est jamais revenu. ». C'est faux dans les deux cas. Et c'est étrangement formulé puisqu'il y avait... 4.115 enfants au Vel d'hiv. Quid de la différence entre 4.115 et 4.051 soit : 64 enfants. Par logique élémentaire, ils ne peuvent avoir survécu au Vel d'hiv puisque les seuls survivants sont 25 adultes. Ils sont donc décédés dans les camps français ? Ne s'agit-il pas plutôt de tout ou partie des enfants sauvés au Vel d'Hiv, dans les camps du Loiret et à Drancy ? (Voir article ci-dessous)
D'autre part, il y eut, en très petit nombre, des enfants qui ont survécu aux camps. Deux au moins sont revenus de manière certaine, une petite «Lang» et une petite « Gattégno », selon l'héroïne réelle du film, Annette Monod (2). Elle les a vues personnellement au rapatriement, en 1945, à l'Hôtel Lutetia - témoignage à la fin du DVD des « Enfants du Vel'd'Hiv' » de Michel Muller et en page 3. Annette Monod déclare également dans cette même interview : "on nous a dit, je ne sais pas si les chiffres sont exacts, que sur les quelques 5.000 enfants qui avaient été déportés de la Région Parisienne, il en était revenu dix-huit."
Denis B.
(1) Hansel Szpilvogiel (témoignage vidéo) n'a jamais rencontré d'antisémitisme à Belleville qui était pourtant un quartier très dur et Albert Bigielman pas plus à Ménilmontant « cosmopolite à 100% » et « non antisémite ». Difficile néanmoins d'oublier les publicités pour les lunettes Lissac. « Lissac, ce n'est pas Isaac. » Et difficile également d'oublier que « de l'été 40 à l'été 44, des millions de lettres de dénonciation [chiffre exagéré selon Laurent Joly] sont arrivées dans les Kommandantur ou les commissariats de police », comme le rappelle Maurice Rajsfus dans son « Que-sais-je ». Un courrier surabondant arrivera également à « l'Institut des questions juives », organe pseudo scientifique et répressif.
(2) Malgré l' affirmation inverse de la réalisatrice du film, Annette Monod, exemplaire et héroïque, n'a pas été reconnue comme « Juste parmi les nations », par Yad Vashem, n'ayant pas officiellement sauvé de Juifs directement. Selon son témoignage dans « Opération Vent Printanier » de Blanche Finger et William Karel (La Découverte, 1992), elle a pourtant extrait « un petit garçon » de Pithiviers pour le confier « à un centre juif à Paris » : « il n'était pas content du tout. Il voulait absolument retourner au camp pour retrouver sa sœur. Il était sale, il avait des poux, il pleurait et ne comprenait pas que c'était pour le sauver. »
Des rescapés à toutes les étapes
De nombreux enfants ont malgré tout échappé au destin d'Auschwitz, parmi ceux qui ont été pris dans la rafle. Ces exceptions se produisent d'ailleurs dès les centres de rassemblement (totalement absents du film) comme à Vincennes, pour Jenny Plocky et son frère Maurice. C'est le cas aussi pour les deux aînés de la famille Muller, Henri et Jean (voir vidéo en page 1), pour Rachel Psankiewicz-Jedinak; pour Léa Bretstein (qui s'enfuit de la Bellevilloise par l'issue de secours); pour les enfants Soral (qui s'échappent d'un commissariat) ; pour Charlotte Schapira, 16 ans ; pour Lea Dluganoga, Albert Bigielman...
Parmi les 13.000 raflés du Vel d'hiv, il y eut des survivants, dont des enfants (et pas des adultes seulement). Ces enfants sont sauvés dès les centres de rassemblement, puis au Vel d'hiv, dans les camps du Loiret et à Drancy. Certains, des adolescents, survécurent même à la déportation, dont ils sont revenus. En revanche, le cas de « Nono » du film La Rafle n'existe pas : il aurait été jeté sur la voie lors de la déportation puis recueilli, Annette Monod le retrouve à la fin du film pour rajouter du mélodrame dans des retrouvailles invraisemblables. D.R.
Nat Linen, 15 ans, est lui sauvé dans le bus grâce à la présence d'esprit de sa mère qui couvre son étoile jaune d'un manteau et l'éjecte du véhicule. Ces exceptions se produisent aussi au Vel'd'Hiv: Gabriel Weichman, 15 ans, s'évade du Vel'd'Hiv avec sa petite soeur et sa cousine Fanny; Lazare Pytkowicz fait de même et rejoint la Résistance... D'autres? Bernard Nussbaum, 4 ans (sorti avec sa mère); Léon Favier, 11 ans (d'abord évacué pour blessure)... Léon Fellman, 17 ans, s'enfuit lors de l'évacuation ; deux camarades l'ont précédé en se faufilant entre les bus. La Mère Marie ( Elisabeth Skobtzoff, Juste parmi les nations) parvient à faire évader trois enfants; Sarah Lichtsztejn-Montard se faufile derrière les policiers et prend la poudre d'escampette; Anne Radochitzki sort du Vel d'hiv avec sa mère tout comme Ryfka-Régine Wolf-Rybak et son fils de presque 6 ans... Parmi les transférés du Vel d'hiv à l'hôpital Rotschild : Marcel Fridman, 4 ans, et sa sœur Betty, 8 ans s'en sortent (leur mère, gazée, avait eu l'excellente idée au Vel d'hiv de demander à Betty de se coller à son frère qui avait la gale, pour que tous deux soient hospitalisés); Henri Ostrowiecki, 5 ans, fièvreux et malade, survivra aussi. Née en 1935, Lisette , elle, doit la vie à la varicelle, puis à la bienveillance d'un docteur qui la confie à sa tante. De là, elle rejoint une famille aimante et respectée dans les Deux Sèvres (Juste parmi les Nations). Elle y vit sans se cacher, comme la « petite juive » jusqu'en 1944.
Une demi-douzaine d'autres cas de sorties pour l'hôpital Rothschild sont mentionnés dans « La Grande Rafle du Vel d'hiv » sans compter Rosette Chalit, 4 ans, refusée à Rothschild car elle est contagieuse, transférée sur l'hôpital Claude Bernard, et finalement sauvée par sa mère adoptive (témoignage dans « Opération Vent Printanier »). Non, on ne peut pas écrire « Sur les 13.000 raflés du Vel d'hiv, seuls 25 adultes survécurent ». Evidemment, cela frappe les esprits. Pourtant, c'est faux... et dès le cas de « Jo » c'est-à-dire Joseph Weismann, l'enfant pris en exemple, évadé de Beaune-la-Rolande avec Joseph Kogan. (Ce dernier a d'ailleurs témoigné avec... quatre autres enfants juifs, tous rescapés de la rafle: Mirka Morà, Eva Gluckman, Cécile Kaufer et Marcelle Bock – en anglais ici
Même à Drancy
Les exceptions se poursuivent ensuite... Des libérations d'adultes et d'enfants se produisent dans le camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande : le CERCIL, organe de mémoire des camps du Loiret, en recensait, en 2015, 83 pour les suites de la rafle du Vel d'hiv (dont 68 qui n’ont pas fait l'objet de reprise ni de déportation). On citera, à la limite de l'évasion, le cas de Madeleine et Arlette Testyler, 11 et 8 ans, dont la mère a prétexté avoir caché des machines très performantes de l'atelier de son mari et être la seule à pouvoir les retrouver. Toutes trois sortent par la grande porte du camp. On notera aussi une grande évasion dans le train entre les camps du Loiret et Drancy: « nous étions une quinzaine, décidés à tenter notre chance, je sautai le deuxième ou le troisième (…/...)  je ne sais pas ce qu'il advint des autres », raconte le jeune Albert Baum, dans La Grande Rafle du Vel d'hiv. Parmi ces 15 échappés, certainement des adolescents et grands adolescents. Des sauvetages d'enfants se produisent enfin - in extremis – dans l'abominable « Drancy » (totalement passé sous silence par le film) et son annexe sinistre l'asile Lamarck, comme pour Annette et Michel Muller déclarés « ouvriers fourreurs »(voir vidéo de témoignage en p.1), pour Robert et Berthe Weinstein (sauvés comme tout un bus par un résistant juif habillé en gendarme!) ou pour Hélène Wajcman-Zytnicki, 10 ans... De même, pour le fils Beckmann qui obtient d'abord un sursis à l'infirmerie de Drancy grâce à ses 40° de fièvre et est finalement extrait par son père. La petite Annie Grajfer-Lévy, 4 ans et demi, est libérée également de Drancy avec sa mère, sans que l'on sache si c'est dû à la diphtérie contractée ou à l'insistance vis à vis de l'administration sur un statut de veuve de guerre. La mère de Mirka Morà, et ses trois enfants, sont aussi extraits de Drancy (parmi 18 personnes). Ils s'en vont sur un charrette tirée par un cheval et pour la première fois de sa vie, regardant ceux qui restent derrière les barbelés, Mirka Mora se sent coupable. Eric Conan parle d'une centaine d'enfants sauvés à Drancy, dans Sans oublier les enfants, ajoutant Lea et Annette Krajcer, et Raymonde Mann. Cette liste partielle est sans doute fastidieuse, mais elle veut rendre hommage aux survivants: que leur oubli particulier ne s'ajoute pas à la déformation mémorielle.
Ils sont revenus des camps
L'hôtel Lutetia où déportés survivants et éventuelle famille restée en France se retrouvaient.
Sur les 13.000 raflés, une très petite minorité survécut à la déportation. Deux enfants sont revenus des camps de manière certaine, une petite «Lang» et une petite « Gattégno », selon l'héroïne réelle du film, Annette Monod (voir témoignage vidéo). Elle les a vues personnellement au rapatriement, en 1945, à l'Hôtel Lutetia. On y ajoutera Jo Nisenman, 16 ans lors de la rafle, "sélectionné" juste avant d'arriver à Auschwitz et revenu vivant (pesant 40 kilos et n'arrivant plus à marcher). Puis Simon Drucker, qui venait d'avoir 18 ans, débarqué heureusement lui aussi du train d'Auschwitz peu avant son arrivée, dans le même petit camp de concentration de Kosel desservant les camps de Silésie. Et enfin, il y a les cas de Bernard Epstein, 17 ans, qui a, lui, survécu au terrible camp de la mort d'Auschwitz deux ans et demi et dont la famille avait fuit la Pologne « parce que c’était un Etat fasciste, et [que] la France était le pays des droits de l’homme et de la Révolution française »... France 24 évoque six enfants survivants à la déportation (à 14'10 ici mais ne les nomme pas. Annette Monod (vidéo) parle de 18 mais elle n'en est pas sûre. Tout ceci en gardant à l'esprit que « de ceux de la rafle des 16 et 17 juillet 1942, il en rentra encore bien moins encore que 3% [proportion globale du retour des déportés raciaux] » (« La Grande Rafle du Vel d'hiv ») et certains, « squelettes ambulants », même sauvés, décédèrent d'épuisement. On considère généralement qu'il y eût une centaine de survivants aux déportations suivant la rafle du Vel d'hiv, en tout. Il n'y en eut aucun chez les tout petits.
Paul R.
« Mlle Monod est assistante sociale, ou plutôt "assistante Croix Rouge" . Elle est le 16 juillet, pour quelques jours au repos dans sa famille à Saint-Germain où son père est pasteur. Mme Gillet, responsable de la Croix Rouge lui téléphone :
- On arrête les femmes et les enfants. Ils sont au Vel d'hiv. Puisque vous connaissez la question, allez-y... » Puisque vous connaissez la question ! On frémit d'une telle spécialisation. En effet, depuis plus d'un an, Mlle Monod est assistante au camp de Pithiviers. (…/…)
Elle se précipite au Vel d'hiv, munie de ses papiers. On la laisse entrer. Le spectacle l'effraie, l'atmosphère démente, le bruit, l'odeur la saisissent.»
la Grande Rafle du Vel d'hiv, de Claude Lévy et Paul Tillard, Robert Laffont, 1967. Témoignage Vidéo extrait de la fin des Enfants du Vel d'hiv (1992) de Maurice Frydland et Michel Muller.
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